C'est sous le titre optimiste de "Villes harmonieuses" que le Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) a présenté l'édition 2008-2009 - la quatrième du genre - de son rapport sur "L'Etat des villes du monde" à Londres, mercredi 22 octobre. Cette publication biennale précède traditionnellement les débats du Forum urbain mondial, dont la quatrième rencontre est prévue à Nankin, en Chine, du 3 au 6 novembre.
Ces 264 pages compilent une somme considérable de statistiques et d'études de cas sur le phénomène urbain. Depuis cette année, plus de la moitié de l'humanité vit en ville. Près de 700 villes nouvelles, hébergeant plus de 250 millions d'habitants, se sont créées depuis les années 1990. Des mégapoles de plus de 20 millions d'habitants se forment : après Tokyo et Mexico viendront bientôt Bombay, Dacca, Sao Paulo, Karachi... Pour l'ONU, "le XXIe siècle est le siècle des villes", et cette urbanisation du monde bouleverse les équilibres économiques, sociaux et écologiques de la planète.
Le Sud s'urbanise, les villes du Nord stagnent
"Les pays en développement sont responsables de 95 % de la croissance urbaine mondiale et absorbent 5 millions de nouveaux urbains chaque mois", contre 500 000 dans les pays développés, constate le rapport. La population urbaine des pays en développement devrait doubler d'ici à 2050, selon l'ONU. La Terre comptera alors une population urbaine de 5,3 milliards d'habitants, dont près des deux tiers vivront en Asie et un quart en Afrique, qui connaît aujourd'hui la révolution urbaine la plus brutale. Dans les pays développés, au contraire, "près de la moitié des villes restent sous les 1 % de croissance démographique et 40 % d'entre elles perdent de la population", notamment en Europe. "Dans les trente dernières années, il y a plus de villes du monde développé qui ont décliné que de villes qui ont grossi", souligne le rapport.
Première explication : une natalité en berne au Nord et dynamique au Sud. "L'immigration compte pour un tiers de la croissance urbaine du monde développé", rappelle l'ONU. A l'inverse, "contrairement à une idée reçue, l'explication déterminante de la croissance urbaine dans les pays en développement n'est plus l'exode rural, mais l'accroissement naturel".
Des inégalités sociales... inégalement réparties
"Les plus grandes villes des Etats-Unis ont des niveaux d'inégalité comparables à ceux d'Abidjan, de Nairobi ou de Buenos Aires" et "dépassent le seuil d'alerte international de 0,4" du coefficient Gini, note le rapport.
Pour la première fois, l'ONU a appliqué aux villes ce coefficient utilisé pour mesurer les écarts de revenus. Un indicateur compris entre 0 (l'égalité parfaite) et 1 (l'inégalité maximale). De nombreuses villes d'Amérique du Sud et d'Afrique subsaharienne dépassent 0,6 - un seuil considéré comme socialement explosif - voire 0,7 : Bogota, Sao Paulo, Johannesburg, Le Cap... La moitié de la population urbaine d'Afrique vit sous le seuil de pauvreté, et 60 % habitent un bidonville, contre 33 % en moyenne (soit un milliard d'humains) dans les pays en développement.
En général, les villes les plus égalitaires sont celles d'Europe de l'Ouest. C'est pourtant Pékin qui détient le titre officiel de ville la plus égalitaire du monde, avec un coefficient Gini de 0,22 (contre une moyenne de 0,39 pour les villes d'Asie). Mais si l'on intègre la "population flottante" des travailleurs migrants, estimée à un tiers de la population de la capitale chinoise, le coefficient pékinois grimpe à 0,33.
Le risque climatique se précise
Il y a 3 351 villes et 380 millions d'habitants dans la zone côtière de faible altitude (mois de 10 m). Le rapport pointe ainsi l'extrême vulnérabilité de villes comme Dacca, dont les 13 millions d'habitants sont déjà régulièrement victimes des inondations, Alexandrie, où 2 millions de personnes devraient abandonner leur logement si la mer montait de 50 cm, ou Lagos, dont la plupart des 10 millions d'habitants vivent à moins de 2 m au-dessus du niveau de la mer.
Mesurant la contribution des villes au réchauffement climatique, le rapport indique que "ce n'est pas le degré d'urbanisation d'un pays ou la taille d'une ville qui détermine la quantité de gaz à effet de serre émise par personne", mais plus la structure de la ville, les modes et les niveaux de vie, les politiques environnementales. Ainsi, "la mégapole de Sao Paulo produit un dixième des émissions de San Diego, bien que cette dernière ait un quart de la taille de la première".
Les auteurs du texte militent donc pour des villes plus compactes et moins dépendantes de la voiture.
"Beaucoup de villes font face à ces défis grâce à des politiques urbaines innovantes, écrit la directrice générale d'ONU-Habitat, Anna Tibaijuka, dans son introduction. Leurs dirigeants ont compris que les villes ne sont pas seulement un élément du problème, mais qu'elles sont aussi la solution." Et de citer, de Bangkok à Bogota, des villes en chemin vers l'harmonie.
Sur le meme sujét, "L'urbanisation du monde est inévitable et irrésistible".
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